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OFSPO : L’esport en voie de reconnaissance mais toujours pas considéré comme un sport

Bonjour à tous et à toutes,
L’OFSPO ou l’Office Fédéral du Sport (suisse) a sorti son rapport statuant de la considération de l’esport en tant que sport. La conclusion n’est guère réjouissante car l’OFSPO ne considère par l’esport, sous sa forme actuelle, comme un sport. Mais est-ce le seul point à retenir de tout le rapport ? Nous allons analyser cela ensemble et essayer d’avoir un œil critique sur le rapport.

Si vous n’êtes pas familier avec le monde de l’esport, je vous conseille de lire le QR préparé pour l’occasion par l’OFSPO.

Le rapport de l’OFSPO sur l’esport : « Une culture de jeu, mais pas un sport »

Résumé du rapport :

Avant d’entrer dans les détails, résumons les conclusions amenés dans ce rapport. L’esport connaît en Suisse et dans le monde, un essor incroyable et cherche de plus en plus à se faire reconnaître comme un sport traditionnel. Et c’est une des questions à laquelle l’OFSPO a essayé de répondre : l’esport peut-il être considéré comme un sport traditionnel ? Ils sont malheureusement arrivés à une réponse négative pour plusieurs raisons.

  • L’ esport ne peut pas être considéré comme un sport, car l’expérience principale se déroule dans un espace virtuel et non en contact avec des individus et l’environnement.
  • Les jeux ne sont pas toujours adaptés pour les personnes jeunes/enfants car ils sont souvent violents ou représentent des scènes de guerre.
  • l’esport est une culture du jeu, mais ne rentre pas dans une démarche sportive d’utilisation motrice et sportive du corps humain.

C’est donc sur cette conclusion que l’OFSPO a décidé de ne pas considérer l’esport comme un sport au sens propre du terme, privant ainsi cette dernière des subventions en matière d’encouragement du sport.
Mais ne vous énervez pas ! Même si pour l’instant, les préjugés semblent n’avoir pas ou peu évolués, c’est dans la version complète de ce rapport que nous pouvons apprécier le sérieux dont l’OFSPO a fait preuve.


Evaluer la situation actuelle de l’esport : évolution, risques et mesures spécifiques

Dans ce rapport complet de 13 pages, les points et raisons amenant à la conclusion négative sont plus clairs et on comprend ce que la SESF va devoir travailler pour un jour amener l’esport à être considéré comme un sport.

Nous pouvons voir que dans le rapport, l’OFSPO concède l’importance des compétences physiques (coordination main-oeil, vitesse de réaction), des aptitutes mentales (compréhension stratégique et tactique, vue d’ensemble du jeu) et des entraînements quotidiens que les joueurs doivent effectuer pour atteindre un niveau compétitif.

Situation actuelle en Suisse

Ensuite vient l’explication de la situation actuelle de l’esport en Suisse : le développement de l’esport en Suisse est modeste, mais en perpétuelle évolution et porté principalement par des entreprises de médias comme UPC et Blick. Depuis 2018, une ligue esportive s’est créée (la Swiss Esports League, SESL) qui a connu un franc succès. PostFinance est la première entreprise financière à s’être lancée dans l’esport en lançant sa propre équipe via l’Esports Experiment : PostFinance Helix.

D’autres entreprises se sont lancées dans l’esport mais en créant des événements autour de ce dernier comme la Swisscom Hero League, la Coca-Cola eCup ou encore la TCS eSports League.

La ville de Genève se positionne comme pionnière dans le domaine en inscrivant l’esport dans la liste des disciplines sportives. Merci à Geneva E-sport pour ça ! Au niveau national, une fédération (La Fédération suisse d’Esports, SESF) a été créée en 2008 et compte 37 associations membres (dont trois sont des divisions esport de clubs de football et qui ont des joueurs professionnels sous contrat). La SESF présente quatre objectifs :

  • Une meilleure adaptation sociale, une plus grande légitimité et une amélioration de l’image.
  • La perspective d’un soutien public à travers le sport.
  • Une amélioration des conditions cadres pour les acteurs de l’esport en Suisse.
  • L’intégration et l’utilisation au sein des structures de l’organisation du sport.

Pro Helvetia : soutien de l’industrie du jeu vidéo en Suisse

ProHelvetia

Depuis 2010, la fondation culturelle Pro Helvetia soutient l’industrie du jeu vidéo suisse. Ils ont souvent pu donner leur avis sur les jeux vidéo et l’importance de les considérer en tant que biens culturels au même titre qu’un produit cinématographique ou littéraire. C’est ainsi que le jeu vidéo suisse a bénéficié d’aides financières pour améliorer la collaboration entre les instances de promotion de la culture, de l’économie et de l’innovation, afin de professionnaliser les studios de développeurs suisses pour amener leurs jeux à l’international.

En mars 2018 sortait d’ailleurs un rapport sur le potentiel du jeu vidéo suisse en matière de culture ! Dans ce dernier, le conseil fédéral suisse exprimait que le jeu vidéo constituait non seulement de nouvelles formes de création artistique et technologique, mais également des objets culturels qui possèdent un fort potentiel d’innovation, tant du point du vue culturel qu’économique. Les jeux vidéo sont devenus un phénomène socioculturel mondial et ont donné naissance à une véritable culture. Mais à l’époque, l’esport n’avait pas été abordé dans le rapport.

« Jeunesse+Sport » : une intégration pas encore possible

L’intégration de l’esport dans le programme de subventions n’est pas encore possible car il ne rentre pas dans les principes juridiques que défend « Jeunesse+Sport » listés ci-dessous:

  • Conformément à l’art. 1, l’encouragement du sport a pour objectif d’augmenter l’activité physique et sportive.
  • Selon l’art. 6, ne peuvent être admis dans J+S que les sports dont la pratique contribue à l’amélioration des aptitudes physiques.
  • La conception de J+S dispose, sous le titre « Définition du sport selon J+S », que le sport implique une part importante d’activité physique.

Mais ces principes, modifiés et adaptés en conséquence, pourraient amener l’esport à être compris dans Jeunesse+Sport. Il sera aussi très important de déterminer les rôles que peuvent avoir d’autres infrastructures comme l’OFSP, promotion jeunesse et divers organes de prévention.

On peut donc comprendre qu’il sera important pour la suite d’avoir des structures qui peuvent accompagner les joueurs qui souhaiteraient se lancer dans l’esport et les sensibiliser. Le projet de Gaming Center initié par l’association noetic pourrait ici avoir un rôle crucial en amenant un lieu dédié à la sensibilisation et l’accompagnement de ces jeunes joueurs. Accompagnement dejà présent également dans beaucoup d’associations esportives qui forment leurs joueurs.


Les risques contre les opportunités d’inclure l’esport dans les sports conventionnels

Les risques :

  • L’esport, et notamment les jeux de guerre, ne correspond pas aux valeurs fondamentales de la conception actuelle du sport (risque de réputation pour le sport)
  • L’esport comporte, par son caractère hautement technologique, un risque particulier de fraude et de manipulation. Bien que les autorités publiques, les sociétés de paris et les organisations sportives soient engagées et compétentes pour prendre des mesures contre la manipulation des compétitions sportives, elles ne sont pas en mesure de le faire dans le domaine des jeux électroniques pour diverses raisons, notamment parce qu’elles ne disposent pas des droits de propriété nécessaires sur les jeux.
  • L’esport est largement tributaire des éditeurs de jeux, qui détiennent les droits de propriété et dictent les règles du jeu. Ces dernières peuvent changer lorsqu’une nouvelle version du jeu voit le jour, et ce, sans que les joueurs ou les fédérations puissent prendre position à ce sujet. Ce n’est pas le cas dans le domaine du sport traditionnel, où les disciplines sont généralement indépendantes des producteurs. Etant donné que les éditeurs ont toujours un intérêt économique, ce sont les aspects monétaires qui priment dans l’esport, et non les principes sur lesquels repose le sport traditionnel.
  • Les fédérations nationales et internationales ne décident pas des disciplines (jeux). C’est l’organisateur de l’événement, et non les milieux du sport, qui détermine les disciplines (jeux) lors des tournois.
  • L’intégration de l’esport dans le monde du sport risque de dénaturer le concept de sport. Il existe également le danger de voir les divisions consacrées au esport dans les fédérations sportives influencer l’identité de ces dernières et celui de voir s’instaurer une concurrence interne avec le sport traditionnel.
  • Les conséquences sur la santé d’un entraînement de 6 à 8 heures quotidiennes devant un écran ou de compétitions se déroulant sur de nombreuses heures ne sont pas suffisamment connues. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déjà introduit le concept de « cyberaddiction », qui se caractérise par une utilisation problématique d’Internet (lorsqu’il ne reste presque plus de temps pour dormir, manger ou étudier et que la vie tourne autour de l’univers virtuel).
  • Le mode de vie principalement sédentaire est renforcé par la pratique de jeux vidéo – le risque de maladie de civilisation en est accru. L’intégration de l’esport à l’univers sportif peut ainsi conduire à un affaiblissement de l’importance du sport en matière de prévention sanitaire.

Les opportunités :

  • L’esport est vecteur d’innovation et d’un nouveau savoir-faire dans l’univers du sport traditionnel.
  • L’esport peut apporter du dynamisme en matière d’organisation, de mise en scène et de commercialisation d’événements dans l’univers du sport traditionnel.
  • Les divisions dédiées à l’esport dans les fédérations sportives introduisent de nouveaux groupes cibles et de nouveaux membres dans le sport organisé.
  • L’esport peut favoriser et développer les aptitudes et les compétences cognitives et notamment stratégiques.

Conclusion et position actuelle de l’OFSPO :

En suivant les différents points énoncés plus haut, l’OFSPO est arrivé à mettre en évidence les raisons principales à cette réponse défavorable :

  • Niveau d’activité physique : du point de vue actuel, les jeux et les événements correspondant dans l’espace virtuel ne permettent pas d’augmenter les activités physiques favorables à la santé dans toutes les classes d’âge. Les conséquences pour la santé (risque d’addiction, etc.) d’un entraînement de plusieurs heures quotidiennes devant un écran ou de compétitions se déroulant sur de nombreuses heures ne sont pas suffisamment connues
  • Définition des disciplines ou des types de sports : les fédérations nationales et internationales ne décident pas des disciplines (jeux). C’est l’organisateur de l’événement qui détermine les disciplines (jeux) lors des tournois
  • Pertinence éthique : les jeux de guerre contreviennent à la charte éthique de l’OFSPO et de Swiss Olympic
  • Forte dépendance de l’univers de l’esport vis-à-vis des fabricants de jeux
  • La capacité de manipulation de l’esport (doping technique) n’est pas définie. En outre, l’État ne dispose pas des fonds et des possibilités suffisantes pour assurer l’équité et la sécurité dans le cadre de l’esport.
  • La question et la preuve de l’utilité générale de l’esport n’ont pas été suffisamment clarifiées.

Nous savons maintenant les points qui devront être explorés par la suite pour faire évoluer l’esport dans la bonne direction. Malheureusement certains préjugés comme la pensée manifeste que l’esport est uniquement composé de jeux de guerre semble perdurer. Plusieurs questions vont devoir trouver des réponses, mais on espère que la SeSF saura trouver des réponses pour ces dernières.

En tout cas, l’OFSPO promet de suivre l’évolution de l’esport avec attention et de procéder à d’autres analyses dans le futur pour espérer voir un jour l’esport considéré comme un sport au sens premier du terme.


Swiss Esports Federation

La réponse de la Swiss Esports Federation SeSF :

Alors que le rapport est sorti depuis une semaine, la réponse officielle de la SeSF a été diffusée via ses réseaux sociaux. C’est ainsi via un TwitLonger que la Fédération Suisse d’Esports a fait connaître son avis sur cette décision de refuser de considérer l’esport comme un sport. Le principal argument à l’encontre des conclusions de l’OFSPO est le manque d’inclusion d’experts de l’esport dans la recherche qui a mené à ce rapport.

Voici le tweet de la SeSF traduit :

Déclaration de la SESF à propos de la recherche de l’OFSPO sur l’esport

 

Nous sommes très heureux de voir que le sujet de l’esport a été étudié par l’Office Fédéral du Sport. Nous comprenons et respectons les résultats de leur recherche mais nous sommes d’avis qu’il aurait été essentiel d’associer les experts locaux de l’esport à cette étude. La SESF propose une approche inclusive de l’esport, à la fois pour notre communauté et pour la société dans son ensemble. C’est pourquoi nous pensons que toute recherche sur le sujet, en particulier menée par une institution fédérale, devrait également inclure les points de vue internes de la communauté esport.

Bien que l’esport soit ontologiquement virtuel, c’est également une expérience internationale, illimitée et sociale qui réunit toutes communautés de personnes autour d’un intérêt commun, sans aucune frontière physique ni préjugé, grâce aux caractéristiques des jeux vidéo en ligne.

D’un point de vue managérial, les différents emplois et opportunités que le sport et l’esport offrent sont très similaires. Ce point devrait être mis en évidence puisqu’il montre que l’esport ne consiste pas seulement à jouer pour jouer mais participe également à la création d’une perspective professionnelle pour l’avenir.

L’écosystème esportif suisse évolue très rapidement. En cinq ans, c’est devenu une discipline structurée qui fait partie des sphères sportives et culturelles, particulièrement aux yeux des jeunes générations. Comme nous pouvons le constater dans les pays voisins et dans d’autres continents, l’esport est en train de rapidement devenir un marché durable pour l’emploi. À la SESF, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir son développement, parce que nous savons qu’il peut avoir un impact socioculturel et économique positif sur notre pays.

En outre, bien que nous ne pensions pas que la violence doive être un critère pour la définition de l’esport en tant que sport, nous souhaiterions souligner le fait que la relation entre esport et violence mérite une analyse en profondeur, qui couvrirait des sujets complexes tels que les effets psychologiques de la violence dématérialisée. Ces dernières années, de nombreuses études académiques ont été menées à ce sujet et leurs résultats devraient être pris en considération lors des discussions à ce propos. C’est pourquoi nous avons prévu de publier un article dans le courant de l’année pour fournir une approche plus détaillée de la question.

En conclusion, nous sommes d’avis que la nature hybride de l’esport (entre sport et culture) est une caractéristique unique qui devrait être mise à profit pour créer des opportunités d’emplois, et de la valeur ajoutée, bien que son développement puisse nous mener en-dehors de notre zone de confort. À la SESF, nous pensons fermement que trouver les meilleures solutions demande de joindre nos forces avec les autres institutions suisses et de se concentrer sur un objectif commun : dénouer les complexités de l’esport en considérant ses différences et similitudes fondamentales avec les sports et formes de divertissement traditionnelles, mais également en replaçant l’esport dans le contexte d’un mouvement socioculturel indépendant.

La SESF

Article écrit par Ailoas le 10.04.2019

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